Le congrès de la Société des historiens médiévistes
de l’enseignement supérieur public (SHMESP) des 23-26 mai 2024 se tiendra à l’Université Jean Monnet (Saint-Étienne) et abordera le thème des « Modèles et expériences ascétiques dans les sociétés médiévales ». Il sera organisé par le laboratoire CERCOR (UMR LEM-CERCOR 8584) et le soutien du LabEx HaStec.
Par expériences ascétiques, nous entendons les diverses modalités de contrainte sur les corps, qu’il s’agisse de pratiques, propos de vie, modèles, règles que s’imposent des individus ou collectifs (ordres, congrégations, confréries, corporations mais aussi communautés et corps de tous ordres, y compris politiques), en rupture avec les normes communes ou les traditions, et qui proposent une opération de purification, de sélection, de détachement, d’exemplification, etc. Les expériences ascétiques s’expriment dans les comportements, notamment alimentaires, sexuels et vestimentaires, les modes de vie, les usages de la violence et peuvent se percevoir dans les discours et l’éthique, les représentations, y compris artistiques, et le rapport à la culture écrite et au savoir, certaines formes de la culture matérielle, l’habitat, qu’il soit communautaire ou non, les relations entre les hommes et les femmes Elles peuvent intégrer le prophétisme, le mysticisme, le renoncement, une attente eschatologique dans certaines de ses dimensions mais ne s’y épuisent pas. Les expériences ascétiques affectent des générations, des individus, des groupes sociaux. Elles peuvent susciter, entretenir ou réactiver des clivages en motivant la notion d’élection.
Il s’agira d’analyser dans quelle mesure ce type d’expérience vécue par un individu ou un groupe s’associe avec un projet plus large de rupture et peut légitimer des projets politiques ou sociaux collectifs ou peut consolider ceux d’hommes et femmes de pouvoir. L’enjeu est également d’étudier comment circulent des modèles ascétiques communs. L’ascèse peut préparer à la rénovation, à la conversion, à la réforme et à la purification générales. Elle peut donner lieu à une instrumentalisation et dénouer des crises. Elle est aussi une figure de la violence, de la radicalité, de l’excès. Elle peut conduire au renversement temporaire de l’ordre social, donner un pouvoir de remontrance par le renoncement à tout pouvoir. En cela, elle est un discours politique et une idéologie de rupture. Nombre d’exemples peuvent être étudiés, depuis les mouvements religieux informels ou structurés, depuis les discours sur la diète médicale et sur le soin de l’individu, jusqu’aux processus politiques et militaires conduisant à des renversements de régimes ou de dynasties, depuis les périphéries et le désert jusqu’aux centres urbains, ou bien dans le cadre de groupes sociaux ou sociétés politiques telles les cours princières ou ecclésiastiques, les communautés minoritaires, les aristocraties et diverses élites dominantes, les métiers, etc.
Ouverte aux mondes médiévaux dans leur pluralité, la question, familière aux spécialistes du champ du religieux, concerne aussi l’histoire du politique, de l’économique, des groupes sociaux, l’archéologie, la littérature, l’anthropologie historique, etc. Elle est susceptible d’être traitée avec les sources les plus diverses (hagiographiques, théologiques, ecclésiologiques, littéraires, matérielles, diplomatiques, iconographiques, etc.).